Boite à clés : conseiller – comparaison – guide achat – l’illusion de la vie, ou le roman de la future Mme Tussaud

Nez aquilin, menton bouché, hérités respectivement de sa mère et de son père, « Petite » n’atteint que « la hauteur du cœur de beaucoup de gens ». C’est un lutin assoiffé d’apprendre et de perfectionner son art, une Cendrillon en miniature, taquinée et reléguée à la cuisine. Elle n’attend pas le prince charmant, mais un salaire. Ce petit bout de femme intrépide, passé par la case prison, aura semé, sur sa route, de merveilleux simulacres et inspiré aujourd’hui un roman sensationnel au Britannique Edward Carey.

Il y a des rencontres éclairs, des retrouvailles tardives et des projets qui revendiquent le droit de prendre leur temps. Ce fut la genèse de Menue. Enfant, Edward Carey était terrifié par une visite au musée de cire Madame Tussauds à Londres. Par la suite, abonné à des petits boulots à l’âge de 20 ans, il protège les modèles en cire de toute curiosité tactile en tant que garçon de chambre. Pendant quelques mois, le futur écrivain a pu étudier la fascination qu’ils continuent d’inspirer ainsi que leur fabrication, issue d’un savoir-faire raffiné. Pris de passion pour l’inventeur du lieu, il tâtonna, chercha le ton idéal à conférer à l’œuvre qu’il entendait lui consacrer ; examiné les fonds d’archives, en Angleterre comme en France. Sauf que ce n’est pas Marie Tussaud (1761-1850) qui intéresse Edward Carey dans Menue, celle qui traversa la Manche à l’âge de 74 ans et ouvrit, en 1835, le cabinet des horreurs et des curiosités portant son nom sur Baker Street. Mais la femme avant son mariage, quand elle s’appelait Marie Grosholtz, et les trente-cinq premières années d’une vie qui s’est mariée aux soubresauts de la Révolution française.

Masques de la mort

La petite servante strasbourgeoise a été initiée à la céroplastie par un anatomiste suisse, Philip Curtius, qu’Edward Carey décrit comme un misanthrope éclairé, un virtuose de la cire. « Elle est vision, elle est mémoire, elle est histoire », s’extasie le mentor sur ce matériau malléable. Il ajoute : « Amoureux du détail, immense imitateur, absolument sincère. » Bientôt l’élève égale le maître. Elle compose les bustes de Benjamin Franklin, Jean-Jacques Rousseau. Au fil de ses tribulations, Marie Grosholtz croise la route de Louis XVI et de Louis-Sébastien Mercier, l’auteur de Tableau de Paris (1781). Elle duplique une scène de crime d’après nature – Marat poignardé dans sa baignoire –, fournit des effigies pour les cortèges révolutionnaires, moule des masques mortuaires et des visages de condamnés avant leur exécution, les guillotines de 1793 et ​​1794. Cadavres et vivants, en buste ou en pied . Têtes couronnées décapitées. Ses créations en trois dimensions gardent l’empreinte exacte des événements grand public, avant que l’invention de la photographie ne remplisse cet office au siècle suivant.

Il vous reste 42,1% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.